James Francis John Sheridan
Le 14 février 1941, le croiseur lourd de la Kiegsmarine “Amiral Hipper” rejoint Brest.
Le samedi 15 février, trois Bristol Beaufort du 217 Squadron décollent de la base RAF (Royal Air Force) de St Eval (Cornouailles) pour l’attaquer :
- Bristol Beaufort L9807 MW-A, décollage à 16h30
- Bristol Beaufort L9794 MW-R, décollage à 16h35
- Bristol Beaufort W6493 MW-G, décollage à 16h40
(Le code “MW” est celui du 217 Squadron dont les missions consistaient en l’attaque de navires ennemis et au largage de mines. Sa devise “Woe to the Unwary” [Malheur à l’imprudent]).
Le Bristol Beaufort est un bombardier-torpilleur bi-moteur, construction tout métal, à ailes moyennes. Il emporte quatre membres d’équipage.
Cette mission se terminera mal pour les trois appareils : ils seront tous les trois abattus par des Messerschmitt Me 109 du JG 77 (JG = Jagdgeschwader, escadron de chasse. Le JG 77 était surnommé “Herz As”, l’As de Cœur).
Le W6493 MW-G : abattu à Saint-Pabu. Quatre morts, enterrés au cimetière de Lannilis :
- Sergeant William Noël ABBOTT – 22 ans
- Sergeant Arthur William Richard BEEDEN – 18 ans
- Flying Officer (pilote) Ronald William GAIR – 22 ans
- Sergeant Joseph Ronald Holmes WEBSTER, décédé des suites de ses blessures le 18/02/1941
(Le carré militaire du cimetière de Lannilis comporte les tombes de trois autres aviateurs abattus à Bourg Blanc lors d’une mission identique le 1er avril 1941)
- Le L9794 MW-R : abattu à Saint-Divy. Quatre morts, inhumés au RUNNYMEDE MEMORIAL (Royaume-Uni).
- Le L9807 MW-A : abattu à La Forest-Landerneau.
Remarque : dans l’article il est fait état “d’un bombardier de type Blenheim”. Ce modèle, également produit par Bristol, est antérieur au Beaufort qui lui ressemble. Mais le Blenheim n’emportait que trois aviateurs, contre quatre pour le Beaufort…
Fin 1992, Louis HERRY publiait dans le Keleier de La Forest une série d’articles intitulés “Souvenirs 1939-1945 ” dans lesquels il livrait le condensé des informations recueillies au cours de plusieurs mois de prospection et de conversation avec les Forestois ayant vécu cette période de l’Histoire.
Voici ce qu’il nous rapportait :
“Le samedi 15 février 1941, deux avions bimoteurs anglais survolent l’Élorn à basse altitude allant jusqu’à Brest accompagnés de tirs de D.C.A. Un des avions anglais a dû faire demi-tour suivi de près par un chasseur allemand tirant des rafales de mitrailleuses [remarque : il s’agit du L9794 MW-R, abattu à Saint-Divy].
Soudain des flammes jaillissent de la queue de l’avion de tête qui poursuit son vol sans quitter sa trajectoire. Les rafales se succèdent, l’appareil britannique explose, éparpillant des éclats de tous côtés, à l’entour de Guerrus, après les derniers sursauts du moteur.
C’est la fin du combat. Trois corolles blanches s’ouvrent là-haut. Presque tout l’équipage a donc sauté. Le vent du sud-ouest dévie la trajectoire des parachutes. L’avion allemand fait quelques virevoltes dans le ciel pour marquer son triomphe.
Les trois parachutes ont atterri assez loin du lieu de l’explosion. Des troupes allemandes venant de Landerneau amenées par camions légers se mettent à la recherche des aviateurs.
Le premier est capturé rapidement dans une maison de Judée alors qu’il se passait de l’eau sur le visage égratigné; un autre sera arrêté dans une prairie près du Fessiou, tandis qu’il se renseignait, prétendant attendre la nuit pour gagner Brest. Le troisième sera également vite récupéré par les Allemands.
Les Allemands s’énervent et font dégager les curieux car il manque un quatrième aviateur. La nuit descend. Les recherches continuent avec projecteurs sur camions et lampes torches, tard dans la nuit, mais sans résultat.
C’est bien plus tard, deux mois après, que Louis Jestin de Cribin, bûcheron à l’époque, en cherchant des liens pour faire des fagots, découvrit le cadavre du mitrailleur dans les taillis du bois, demeuré à son poste. Il était sur le dos, coincé par des sangles, à un endroit situé à 200 mètres de l’actuel chenil du Guerrus.
Louis Jestin a prévenu chez M. Vacheront. Le garde forestier de Guerrus est venu avec Louis Jestin reconnaitre l’endroit et le corps. Les gendarmes français prévenus sont également venus sur place.
Les Allemands se sont occupés des obsèques après avoir pris les papiers et la montre de l’aviateur “pour remettre à la famille”. Le corps a été enlevé le lendemain pour être enterré aussitôt.
Aucune publicité n’a été faite pour l’heure de la cérémonie, aussi M. Guézennec de Guerrus informa le plus grand nombre de Forestois de l’heure.
Le corps fut transporté dans le char à bancs de Chopin de la ferme de Guerrus jusqu’au cimetière de La Forest. Il fut couvert de fleurs en passant à Guerrus. Une nombreuse assistance était présente au cimetière à l’arrivée du cercueil, ce qui aurait incommodé les Allemands. Une prière fut dite par un pasteur avec bénédiction. Un piquet d’honneur de la Wehrmacht tira les salves réglementaires. Les assistants furent surpris par la force de la déflagration.
Le corps fut enterré côté est du cimetière
Le Sergeant James Francis John SHERIDAN, matricule 905697, opérateur radio / mitrailleur de la Royal Air Force est décédé le 15 février 1941 à 25 ans…
Les trois seuls rescapés de cette mission, coéquipiers de J.F.J. SHERIDAN, furent fait prisonniers tel que nous le rapportait Louis HERRY plus haut.
Il s’agissait de :
- Sergeant C.W.D. CANNON, matricule 550494 RAF, prisonnier de guerre n°489, camp 357 = Stalag Kopernikus situé à Toruń (Thorn) en Pologne
- Lieutenant A.H. STRATFORD, matricule 76593 RAF, prisonnier de guerre n°585, camp L3 (Stalag Luft III) = Sagan & Belaria en Pologne
- Lieutenant F.A.B. TAMS (pilote), matricule 43076 RAF, prisonnier de guerre n°586, camp L3 (Stalag Luft III) = Sagan & Belaria en Pologne
La Forest a donné le nom de SHERIDAN à une impasse dans le centre bourg :