Château de Joyeuse Garde
Le texte qui suit est extrait du travail de : Patrick Kernévez, Châteaux et fortifications du Comté de Léon (XIe Siècle – milieu du XIVe Siècle), mémoire de maîtrise d’histoire, dactyl., 2 vol., Brest, 1988, 453 p., pages 315 à 334.
Certaines conclusions ont été revues depuis par l’auteur, dans le cadre d’un doctorat consacré aux vicomtes et seigneurs de Léon et de travaux portant sur les châteaux, une brochure ou le contenu d’un site internet de Bretagne.
Le Château de Joyeuse-Garde (ou Goelet-Forest) en La Forest-Landerneau
L’histoire du château de Joyeuse-Garde en La Forest-Landerneau demeure mal connue en dehors de la période de la guerre de Succession de Bretagne où il subit plusieurs sièges. Jehan Bazin lui a consacré une brochure en 1968 alors que les membres de “l’Association des Amis du Château de Joyeuse-Garde” commençaient à y effectuer des fouilles qui se poursuivirent jusque vers 1977. Celles-ci ont permis de dégager une partie des ruines de l’ancienne forteresse et d’en dresser un plan que nous reproduisons dans cette notice. Les compte-rendus de ces activités sont parus dans les Bulletins de la Société Archéologique du Finistère de 1967 à 1976. Le château a été classé monument historique en 1975.
Joyeuse-Garde fut édifié par les vicomtes de la branche cadette de Léon à six kilomètres à l’ouest de Landerneau, capitale de leurs fiefs. La localisation de cette forteresse tient à deux raisons essentielles :
1 | la volonté de contrôler les accès de cette localité à l’ouest comme ils l’étaient, à l’est, par le château de la Roche-Maurice. Joyeuse-Garde surveillait un vieux chemin qui longe sa douve nord et que certains identifiaient à la voie romaine Landerneau-Brest. Il dominait de surcroît l’estuaire de l’Élorn, important itinéraire maritime, en aval de Landerneau.
2 | Le cadre naturel agréable qui favorisa l’installation d’une résidence seigneuriale, d’un manoir. Le site de ce château n’était pas comme celui de la Roche-Maurice, propice à l’édification d’une forteresse : c’est la présence d’une forêt qui semble avoir déterminé le choix des vicomtes de Léon. La fonction de Joyeuse-Garde n’était pas tout à fait comparable à celle de Roc’h Morvan. Ce dernier était une forteresse stratégique resserrée autour d’un donjon alors que le château de Joyeuse-Garde, deux fois plus vaste, correspondait à un autre type d’organisation qui alliait le désir de disposer d’une demeure de plaisance et les nécessités de la défense (murailles et tours).
Cette particularité nous renseigne sur l’origine de l’édifice dont les vestiges sont caractéristiques des forteresses des XIIIe-XIVe siècles. Joyeuse-Garde constitue un bel exemple de château-cour où les logis s’adossent aux courtines rectilignes flanquées de tours. Sa construction serait donc postérieure au démembrement du conté de Léon, en 1180, lorsque la châtellenie de Landerneau dont relevait Joyeuse-Garde échut à Hervé I, fondateur de la branche cadette des vicomtes de Léon. Aucun acte cependant ne nous indique lequel de ces seigneurs éleva la forteresse. La première mention de celle-ci remonte à une enquête de 1411 où il est dit qu’à l’époque d’Hervé V, de Léon, mort en 1304, on arraisonna un bateau étranger qui fut conduit à Landerneau devant le manoir de “Guoeslet-Forest”. Le prieuré-cure de Goelet-Forest qui dépendait de l’abbaye de Saint-Mathieu est attesté en 1330. L’analyse des quelques monnaies exhumées lors des fouilles montre également une occupation du site à partir de la fin du XIIIe siècle et du début du siècle suivant. Les plus anciennes sont :
- Un penny d’Alexandre III d’Écosse (deuxième monnayage, 1280-1286), découvert au niveau du sol de la tour sud-est.
- Un denier de Jean III et d’Isabelle de Bretagne (1317-1318), trouvé, comme le suivant, dans les salles nord.
- Un double parisis de François IV (1341).
D’après ces indications, tant historiques qu’archéologiques, il apparaît donc que la forteresse serait édifiée au plus tard à la fin du XIIIe siècle par les vicomtes de la branche cadette de Léon même si Goelet-Forest ne semble jamais être désigné dans aucun acte comme résidence effective de ces seigneurs (il n’était pas par ailleurs siège de juridiction…). Quelques décennies après sa construction, le château fut durement éprouvé par les multiples sièges qu’il subît au cours de la guerre de Cent Ans durant laquelle les vicomtes de Léon se replièrent probablement sur la Roche-Maurice, mieux défendu. La disparition de ce lignage en 1363 et le passage de la vicomté dans la maison de Rohan dont les terres patrimoniales étaient éloignées du Léon signifièrent, à plus ou moins brève échéance le délaissement progressif de cette demeure fortifiée.
I] Données historiques ►